Le grand entretien : Jean-Jacques Bolzan

Stéphane Loubet

Adjoint au maire, délégué à l’alimentation de la ville de Toulouse, et conseiller de Toulouse Métropole, Jean-Jacques Bolzan revient sur ses ambitions dans ce domaine et détaille les actions mises en place par la Métropole pour bâtir un modèle plus résilient et en adéquation avec les enjeux du territoire.

Pourquoi avoir fait de l’alimentation saine et durable un des axes forts de la stratégie mise en place par la Métropole ?

Depuis plusieurs années déjà, nous avons l’objectif de rapprocher les consommateurs de la métropole des producteurs locaux. C’est à ce titre que Toulouse Métropole est devenue, en 2018, lauréate du Programme national pour l’alimentation développé par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Sans rentrer dans le détail, notre action avait pour but de soutenir la production locale, d’accompagner les cantines dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, structurer les filières d’approvisionnement local mais également sensibiliser et faciliter l’accès des consommateurs à une alimentation plus saine. Dans ce but, nous avons capitalisé sur l’engagement historique de Toulouse Métropole dans ce domaine mais également renforcé la coopération avec les territoires ruraux voisins.

Pouvez-vous nous en dire plus ?

Si nos objectifs étaient clairs, nous avons, avant tout, souhaité être pragmatique et mettre à profit les solides relations déjà tissées avec des partenaires incontournables comme la Chambre d’Agriculture, Erables 31, qui fédère l’ensemble des agriculteurs bio du département, l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), le pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest. En parallèle, nous avons également poursuivi le travail entamé avec les projets de la zone des quinze-sols à Blagnac – dont l’objectif est de réimplanter du maraichage en zone péri-urbaine de manière écologiquement responsable et économiquement viable -, la ferme urbaine de Borde Bio à Toulouse ou la ferme agroforestière et pédagogique de Salsas, à Quint-Fonsegrives qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité en matière de traçabilité, de qualité et de proximité. Dans le même esprit, nous animons un réseau des restaurations collectives des communes et avons organisé des mises en relations acheteurs-producteurs et, avec le Centre national de la Fonction publique territoriale (CNFPT), une formation visant à intégrer davantage de produits locaux sous signe de qualité dans leurs approvisionnements. Impossible également de ne pas citer le Domaine de Candie qui constitue un des fleurons du territoire et est, à la fois, le premier producteur bio de la région et le dernier vignoble en activité de l’agglomération ! Si la crise sanitaire ne nous a permis de développer toutes les actions prévues, nous avons toujours l’ambition de faire du domaine un pôle d’excellence agroalimentaire qui permettra de voir, déguster mais aussi comprendre le travail des filières tout en valorisant les produits locaux.

Une valorisation qui passe par une meilleure information du public ?

C’est une condition indispensable de notre succès. Nous ne pourrons atteindre les objectifs que nous sommes fixés qu’en obtenant l’adhésion des habitants de la métropole à notre projet et cela passe par davantage d’opérations de sensibilisation mais aussi plus d’informations sur le sujet.  Saviez-vous, par exemple, que c’est à Toulouse que les biscottes Heudebert ou les barres céréales Grany sont produites ? Chaque année, ce sont pourtant 13 tonnes de barres qui sortent de l’usine de Fontaine-Lestang ! Les espaces agricoles représentent environ 25% du territoire métropolitain, soit 11 000 hectares, dont 300 de terrains maraichers. Après la signature d’une Charte en 2012, le territoire s’est mobilisé, dès 2016, pour identifier les espaces et enjeux agricoles afin de les inclure dans le Projet d’aménagement et de développement durables du PLUi-H. Aujourd’hui, nous souhaitons qu’une partie de cette production revienne aux toulousains en créant, par exemple, une appellation Farine de la ville de Toulouse qui pourrait servir aux boulangers locaux par exemple. Dans la même logique, nous voulons créer des lieux d’accueil qui permettront de sensibiliser davantage les toulousains aux vertus des circuits courts et de la consommation locale. Le message n’est pas nouveau mais ça ne coûte pas plus cher de bien manger. C’est même tout le contraire car en privilégiant une alimentation saine, on lutte contre l’obésité, le cholestérol ou encore le diabète. En adoptant de bonnes habitudes alimentaires, on lutte également contre la surconsommation et le gaspillage, et on participe au dynamisme et au cadre de vie de nos territoires.

Premier producteur bio de la région et dernier vignoble en activité de l’agglomération, le Domaine de Candie est un des fleurons du territoire – © Mairie de Toulouse

Un constat qui vous a amené à lancer, en juin prochain, le défi des familles à alimentation positive ?

L’objectif de cette opération est de démontrer qu’il est possible d’accroitre sa consommation de produits bio et locaux dans des conditions économiques accessibles. Concrètement, plusieurs équipes composées d’une dizaine de foyers se regroupent pour relever le défi d’augmenter leur consommation de produits bio et locaux tout en conservant un budget constant et en se faisant plaisir. Chaque équipe est rattachée à une structure dite « relais » qui organise des temps forts durant les 8 mois du défi : rencontre avec une diététicienne, visite d’un point de vente de produits bio et locaux, atelier cuisine…

On comprend bien dès lors que l’alimentation est un sujet central pour de nombreux autres défis auxquels la métropole est confrontée ?  

On a déjà évoqué l’impact sur la santé mais l’alimentation saine et durable est au cœur de plusieurs grands enjeux pour le territoire notamment économique puisque cette dernière englobe pas moins de 350 exploitations agricoles, pour près de 4 000 emplois. Elle répond égalent à des problématiques d’inclusion sociale en permettant de lutter contre les inégalités d’accès à une alimentation plus saine et plus équilibrée. Elle a aussi un impact environnemental au sens où elle nous amène à privilégier des circuits courts ou des productions agro-écologiques, à l’empreinte carbone moins marquée, mais également à répondre à des problématiques en lien avec l’utilisation des ressources en eau, par exemple, ou la biodiversité.

Comment concrètement y parvenir ?

Outre un plan d’action concret et partenarial qui répond parfaitement aux objectifs du territoire et la mise en place d’indicateurs clés, il est indispensable d’aller à la rencontre de toutes les parties prenantes pour échanger avec elles. Citoyens, partenaires, producteurs, grandes et moyennes surfaces (GMS), élus… il est nécessaire d’embrasser toutes les composantes du spectre pour mettre en place des solutions pertinentes, pérennes et qui permettent au territoire de répondre à ces enjeux notamment en matière de résilience alimentaire. C’est d’ailleurs une des fonctions principales de la collectivité : être un chef d’orchestre qui impulse le bon tempo et favorise la mise en relation des acteurs pour renforcer et diversifier l’écosystème en place et permettre à chacun d’en tirer profit.

Avec de bons outils à la clef…

Incontestablement. Outre le Domaine de Candie, les projets agricoles des Quinze-Sols, Borde Bio ou de Quint-Fonsegrives, nous disposons également avec le Grand Marché de Toulouse Occitanie d’une formidable vitrine des savoir-faire locaux et de la démarche qui nous guide pour développer une agriculture de proximité, abordable et respectueuse de l’environnement. La construction d’une nouvelle zone logistique permettra de développer de nouvelles solutions pour optimiser les livraisons des derniers km et d’attirer de nouveaux acteurs. La formation professionnelle est également un aspect primordial de la stratégie mise en place par le territoire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le chef Thierry Marx a rejoint, avec le soutien de Toulouse Métropole, le Grand Marché, en 2019, pour ouvrir une nouvelle école. Destinée aux personnes éloignées de l’emploi, elle a non seulement pour objectif de répondre aux besoins de la profession qui peine à recruter des profils qualifiés mais aussi d’accompagner des personnes qui ont des difficultés à (re)trouver un emploi.

Le Grand Marché de Toulouse, moteur de développement économique – © Toulouse Métropole

Vous avez évoqué tout à l’heure la nécessité de s’appuyer sur de bons indicateurs pour mesurer l’efficacité des actions entreprises, pourriez-vous revenir sur le sujet ? 

Afin d’estimer la pertinence des actions conduites, nous avons divisé notre feuille de route en 4 axes majeurs : accompagnement de la production locale et de l’installation agricole ; lutte contre le gaspillage alimentaire ; structuration des filières pour développer l’approvisionnement local, la logistique et la transformation ; la sensibilisation et la facilitation de l’accès des consommateurs à une alimentation saine et durable. Pour chacun d’entre eux, nous avons défini une liste d’objectifs à atteindre afin d’assurer la pérennité de ses actions et leur efficacité mais aussi des actions phares susceptibles de jouer un rôle de locomotive et de rassembler rapidement et facilement les professionnels du secteur.

Des exemples ?

Nous souhaitons, par exemple, multiplier les initiatives qui permettent de rapprocher l’offre et la demande. Lors du premier confinement, le drive toulousain qui permet aux consommateurs d’acheter des produits alimentaires aux producteurs locaux a été pris d’assaut avec un volume de commandes quasiment multiplié par 5 mais cet outil a aussi permis de créer du lien en favorisant les échanges entre consommateurs et producteurs locaux. En parallèle, des opérations de sourcing sont menées afin d’obtenir une cartographie des acteurs locaux. Nous travaillons également sur un outil de partage des opportunités foncières pour l’installation des porteurs de projet, via une typologie des opportunités foncières et des porteurs de projets illustrées d’exemples concrets. Davantage tournée vers le grand public, nous avons également la volonté de mener de grandes opérations pour tisser du lien entre les habitants de la Métropole et les producteurs de proximité. De Toulouse à table en passant par le Festival du Bien manger, de nombreux évènements devraient y contribuer au cours des prochains mois.

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